Lorsque je suis arrivé en France dans les années 2010, j’ai rapidement été frappé par certaines attitudes et réflexions qui reflétaient une vision presque universelle des expériences communes. Lors de discussions banales, des phrases telles que : « Tu te souviens, lorsque nous étions enfants, il y avait à la télévision… » m’ont souvent laissé perplexe. Je me retrouvais face à un implicite culturel qui présumait que nous avions tous grandi avec les mêmes références, les mêmes programmes, les mêmes envies.
Je me souviens avoir pensé : mais pourquoi devrais-je me souvenir des mêmes choses qu’eux ? Rien ne m’y oblige. Quand j’étais enfant, j’ai peut-être regardé Dragon Ball Z, mais pas Albator. J’appréciais Olive et Tom, sans pour autant m’intéresser au football. Cette supposée uniformité de goûts et d’expériences, bien que compréhensible dans une époque où il y avait peu de chaînes de télévision, soulève une question plus profonde : pourquoi cherchons-nous toujours à rentrer dans un moule, à conformer nos expériences et nos souvenirs pour coller aux attentes des autres ?
Le danger du moule et du conformisme
Je ne suis pas un anarchiste ou un rebelle. Mais j’ai toujours eu un profond respect pour les individualités construites sur des expériences propres, libres des influences externes ou des modèles imposés. Lorsque nous nous laissons modeler par les attentes des autres, nous risquons de perdre une partie essentielle de nous-mêmes : notre indépendance d’esprit, notre capacité à critiquer et à réfléchir. Nous devenons des copies conformes, des reflets de ce que la société veut voir, plutôt que des versions uniques de nous-mêmes.
Cette question touche à de nombreux aspects de notre vie. Prenons l’exemple de l’éducation : inculquons-nous à nos enfants la curiosité, la créativité, l’envie de découvrir par eux-mêmes ? Ou leur imposons-nous un cadre rigide de références communes, les pressant de réussir dans des délais souvent irréalistes, leur enlevant la joie d’apprendre ? L’éducation, et par extension, notre vie en société, semble être devenue une course effrénée contre la montre, où tout doit être normé, structuré et mesuré.
La pression du quotidien : une société d’urgence
Nous vivons dans une époque où tout semble urgent. Les institutions, les entreprises, même nos relations personnelles, nous poussent à toujours répondre plus vite, à agir immédiatement, à nous engager sans prendre le temps de réfléchir. Nous recevons des demandes assorties de délais irréalistes, souvent sous une pression qui ne laisse aucune place à l’erreur ou à l’imprévu.
Cette pression constante n’est pas sans conséquences. Elle nous pousse à faire des promesses que nous ne pouvons pas tenir, à compromettre notre parole simplement pour apaiser l’autre ou répondre à ses inquiétudes. Mais en agissant ainsi, nous perdons de vue une valeur essentielle : le poids de nos engagements. Lorsque la parole n’a plus de valeur, que reste-t-il pour construire des relations de confiance ?
Des institutions oppressantes
Cette situation découle en grande partie des institutions qui, au lieu d’apporter un cadre structurant et apaisant, deviennent souvent des sources de stress. Les délais impossibles, les exigences administratives kafkaïennes, les urgences artificielles nous enferment dans une spirale où l’on finit par perdre de vue ce qui est vraiment important.
Les institutions ne devraient-elles pas nous aider à retrouver une forme de sérénité dans nos vies ? Ne devraient-elles pas promouvoir un fonctionnement qui valorise le temps, la réflexion, la construction sur le long terme ? Au lieu de cela, elles nous pressent, nous acculent, et, ce faisant, nous privent de l’espace nécessaire pour nous recentrer sur nos priorités.
Prendre le temps : un choix de vie
Alors, comment inverser cette tendance ? Peut-être devrions-nous commencer par réapprendre à vivre. À prendre le temps. À refuser les urgences qui n’en sont pas vraiment. À questionner les attentes des autres, les délais arbitraires, et à privilégier un mode de fonctionnement qui respecte notre rythme, nos besoins et notre bien-être.
Je crois fermement que le changement commence par nous-mêmes. En osant dire non à cette pression constante, en osant vivre selon nos propres valeurs et nos propres références, nous pouvons envoyer un message fort à la société. Nous pouvons montrer qu’il est possible de réussir autrement, sans sacrifier notre authenticité ou notre santé mentale.
Une invitation à la réflexion
Cet article n’a pas pour ambition de changer le monde en quelques lignes. Mais j’espère qu’il poussera ceux qui le lisent à réfléchir à leur propre mode de vie, à leur propre rapport au temps et aux attentes des autres. Peut-être, ensemble, pourrions-nous imaginer une société plus apaisée, où chacun aurait le droit d’être pleinement lui-même, sans se sentir contraint par les cases que l’on voudrait lui imposer.
Et si nous faisions le choix, dès aujourd’hui, de vivre différemment ?